Ricordando Simone Veil scomparsa a 89 anni
L'intervento di Attilio Mastino all’Ambassade de France a Roma in Piazza Farnese il 10 ottobre 2008
Mme Simone Veil, Excellence, Monsier le Président de l’Ecole de Rome, Mesdames et Messieurs,
il y a un an, j’ai eu l’honneur de représenter l’Université de Sassari à Rome, au Lycée hébraïque situé près le Portique d’Octavie, à la veille des célébrations en honneur de Simone Veil qui se sont déroulées en Sardaigne: je garde un souvenir précieux de cette occasion extraordinaire qui m’a été donnée de connaître de l’intérieur le thème de la déportation et de la Shoah, mais aussi de redécouvrir les racines de l’Union européenne et de trouver de nouvelles raisons d’aimer la France. A cette occasion, Simone Veil m’était apparue, au delà de la surface du personnage, comme une femme pleine de sentiments et de passions, capable d’enflammer les esprits, riche d’expériences et de souvenirs, mais aussi une femme positive qui avait encore un rôle important à jouer en Europe avec sa capacité visionnaire, son sens moral, son inflexible sévérité envers toutes les formes de conservatismes.
J’ai lu récemment son livre, Une vie, autobiographie publiée à Paris chez Stock, dont le titre rappelle un roman de Maupassant et qui est dédiée au souvenir d’un grand nombre de personnes qui ont disparu: sa mère Yvonne morte du typhus au camp de Bergen-Belsen, son père André et son frère Jean, tués par les allemands à Kaunas en Lituanie, sa sœur Milou douce compagne de détention et son fils Nicolas, brutalement disparu alors qu’il était encore jeune. Sa nouvelle famille qui compte à présent 34 membres entre enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Simone Veil possède une rare capacité, celle de raconter une vie riche d’événements et ce avec simplicité, avec lucidité et sans emphase, en s’arrêtant parfois sur un détail minuscule qui permet toutefois de cueillir la profondeur de l’horreur nazie, comme par exemple lorsque récemment on lui a remis le registre où l’administration française de Vichy avait pointilleusement enregistré le versement de 700 francs après que sa mère, sa sœur et elle-même avaient été capturées par la Gestapo à Nice et momentanément transférées à Drancy, avant-poste du camp d’Auschwitz. Un indice du strabisme, voire de la schizophrénie, des bureaucrates, occupés à suivre scrupuleusement les détails mais incapables de percevoir la substance, l’horreur de l’histoire, un mélange de rigueur paperassière – sont les mot de m.me Veil - et d’aveuglement moral de l’administration. Et puis la marche de la mort, plus de 70 km, après au delà des barrières électrifiées d’Auschwitz avant l’arrivée de l’Armée Rouge et ensuite le voyage en train jusqu’à Bergen-Belsen, camp qu’un récent documentaire d’History Channel a rendu célèbre, où faisait rage une épidémie de typhus à laquelle les libérateurs anglais eux-mêmes ne parvenaient pas à faire face.
Défilent successivemen la description d’une enfance joyeuse, tendre et heureuse dans la villa Kerylos à Beaulieu, la maison-musée du grand archéologue Théodore Reinach, de la chaleur du foyer familial, et puis le récit des souffrances de la guerre dans le Midi occupé par les troupes italiennes, l’arrivée de la Gestapo à Nice après l’armistice, la descente aux enfers avec la déportation jusqu’au camp où le docteur Mengele était chargé de l’accueil, les humiliations, mais aussi les petits gestes de solidarité avec les bourreaux eux-mêmes. Après la libération, en mai 1945, le désir de renaître et de reconstruire, de trouver une famille, de répondre pleinement à sa fonction de magistrat, de s’engager dans la politique pour défendre la laïcité de l’Etat, les droits de l’homme, la mémoire de la Shoah, et d’assumer à cette fin d’importantes et hautes charges publiques: Ministre de la Santé d’abord sous la présidence de Giscard d’Estaing dans le gouvernement dirigé par Jacques Chirac et ensuite Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville dans le gouvernement dirigé par Edouard Balladur sous la présidence Mitterrand ; membre du Conseil Constitutionnel de mars 1998 à mars 2007. Ces pages retracent tout un siècle d’histoire, entre colonisation et décolonisation ; y sont citées l’Algérie lors d’une inspection générale où elle côtoie l’horreur des prisons françaises, ou encore Israël, une terre où l’histoire abonde mais où la géographie fait défaut. Ce qui l’anime c’est surtout le sentiment d’une mission à accomplir, celle de pardonner, d’ouvrir la voie à une réconciliation, de renouer une profonde amitié avec le peuple allemand, seule voie possible pour garantir un avenir de paix pour l’ Europe, la liberté et le progrès social, les trois défis évoqués dans son discours de Strasbourg.
Prononcé en juillet 1979, à l’occasion de son élection à la charge de Président du Parlement européen, ce discours illustre clairement son engagement pour la construction d’une Union européenne fondée sur le suffrage universel, sur le vote direct des citoyens et sur la mise en place future d’une fédération d’états culturellement homogènes, sensibles aux thèmes de la solidarité, de l’indépendance et de la coopération. Dans un proche avenir l’Europe pourra devenir un îlot de liberté dans un monde encore trop injuste et divisé, souvent enrégimenté sous la férule de régimes violents et répressifs. Simone Veil se trouvait à Berlin lors de la chute du mur et elle s’est battue pour la réunification de l’Allemagne, puis pour le dialogue euro-méditerranéen, pour un rapport avec les pays de la rive Sud, pour la naissance d’un état palestinien, pour la nouvelle constitution européenne, dont l’échec en 2005 est, selon elle, un désastre auquel a fortement contribué le référendum français. Dans sa charge de Ministre de la Santé, elle a déployé nombre d’efforts pour comprendre et soutenir les raisons des femmes et des malades du Sida, elle s’est battue contre la drogue, elle a rejeté la démagogie des 35 heures et de l’Etat-providence, elle a lutté contre toutes les discriminations et pour l’intégration des immigrés.
En ces temps où sévissent l’antisémitisme, le terrorisme islamique, la négation arrogante de la Shoah, Simone Veil témoigne, avec le tatouage du numéro de matricule qu’elle porte sur son bras, la réalité de l’holocauste et rappelle avec profond regret le sort tragique des millions de juifs tués qui auraient pu devenir philosophes, artistes, hommes de lettres, chercheurs; elle se bat aussi pour rétablir l’honneur de la France et de l’Europe, en revalorisant le rôle des Justes, de ceux qui ont défendu les persécutés et de ceux qui ont fait partie de la Résistance, comme sa sœur Denise. Simone Veil, en dépit de sa douleur personnelle, a réussi à exprimer la solidarité et le regret ressentis envers les 400 000 hongrois déportés et gazés, et continue aujourd’hui d’éprouver également un profond sentiment de compassion pour les tziganes, les peuples du Cambodge, du Rwanda, du Darfour et pour bien d’autres persécutés.
Le combat qu’elle mène reflète son engagement constant contre le sectarisme, la xénophobie, le racisme, les crimes de masse, pour affirmer de nouvelles valeurs humaines de progrès et de développement que nous admirons grandement et qui représentent un héritage précieux que nous chérissons.
En publiant ce livre des Actes de la rencontre de l’année passée organisée par mon ami Enrico Ferri, l’Université de Sassari entend rendre hommage non seulement à une femme forte et sensible mais aussi à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté qui ont souffert, ont combattu et ont construit un avenir meilleur pour tous.
Ultimo aggiornamento Martedì 04 Luglio 2017 20:45